lundi, septembre 30, 2013

L'invention de nos vies - Karine Tuil

 

Quatrième de couverture:
Sam Tahar semble tout avoir : la puissance et la gloire au barreau de New York, la fortune et la célébrité médiatique, un « beau mariage »... Mais sa réussite repose sur une imposture. Pour se fabriquer une autre identité en Amérique, il a emprunté les origines juives de son meilleur ami Samuel, écrivain raté qui sombre lentement dans une banlieue française sous tension. Vingt ans plus tôt, la sublime Nina était restée par pitié aux côtés du plus faible. Mais si c était à refaire ?
À mi-vie, ces trois comètes se rencontrent à nouveau, et c est la déflagration...
« Avec le mensonge on peut aller très loin, mais on ne peut jamais en revenir » dit un proverbe qu illustre ce roman d une puissance et d une habileté hors du commun, où la petite histoire d un triangle amoureux percute avec violence la grande Histoire de notre début de siècle.
 
Sam Tahar est un homme ambitieux et au sommet de la réussite. Avocat français, il s'impose au barreau de New York. Il est marié à une riche héritière juive et ils ont deux enfants. Il a beaucoup de succès auprès des femmes et collectionne les maîtresses. Cependant, son succès repose sur le mensonge et l’usurpation, parce qu'en vérité il s'appelle Samir et est musulman. Il s'est inspiré de l'histoire familiale de son ami de jeunesse Samuel pour bâtir le passé qu'il affiche au monde. Mais peut-on bâtir son présent en reniant son identité? Peut-on demeurer au sommet en mentant à profusion ou est-ce que la chute vertigineuse guette inexorablement ?
On assiste aussi à un triangle amoureux entre Samir, Samuel et Nina qui se sont connus 20 ans plus tôt sur les bancs de l'université... Samir finira par récupérer Nina qui lui avait préféré Samuel à l'époque parce que ce dernier avait fait une tentative de suicide. Elle deviendra la maîtresse attitrée de Samir et aura l'impression d'accéder enfin à la vie qu'elle mérite... Mais peut-on rattraper le passé? Peut-on jamais être sûr d'avoir fait le bon choix?

Au départ, j'ai été perturbée par les phrases très longues, hachées, parsemées de nombreuses virgules, mais au fil de la lecture j'y ai finalement adhéré... J'ai aimé cette intrigue haletante, sans temps mort, doublée d’une analyse sur la société contemporaine.   
 
Extraits:
Il y a quelque chose de profondément tragique, qui dit la fragilité humaine, dans la fréquentation d'un être dont la sensibilité exacerbée commande le rapport au monde, la place sociale, un être à vif, un cobaye dont la société teste la résistance à la brutalité.
Provoquer l'animal est dangereux, elle sait portant comment le prendre, au fil du temps elle a appris; jamais frontalement; jamais en phase agressive, il faut savoir contourner la bête, isoler la part atteinte comme on argote un arbre, alors seulement opérer un rapprochement, envisager l'avenir.
Quelque chose de fort le reliait encore à elle sans qu'il fût capable d'expliquer précisément quoi. Un lien filial solide? Un amour névrotique? Oui, sans doute, comme tout fils nourri au lait de la tendresse humaine la plus pure, sa mère restait la femme la plus importante de sa vie, mais il y avait une autre raison à la survivance de ces liens qui pourtant l'entravaient: la crainte d'écarter trop brutalement, la peur de blesser une femme qui avait eu la vie dure, une vie d'humiliations, une de ces existances sordides dont on cherche en vain à nommer les responsables, à déterminer les causes: une enfance pauvre, un pariage forcé, l'exil et la misère, la manipulation - une vie de merde.  
 
Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire 2013.

La grâce des brigands - Véronique Ovaldé


Quatrième de couverture:
Quand Maria Cristina Väätonen reçoit un appel téléphonique de sa mère, dont elle est sans nouvelles depuis des années, l'ordre qu'elle avait cru installer dans sa vie s'en trouve bouleversé. Celle-ci lui demande instamment de venir chercher pour l'adopter Peeleete, le fils de sa soeur. Nous sommes en juin 1989, Maria Cristina vit avec son amie Joanne à Santa Monica (Los Angeles). Cela fait vingt ans qu'elle a quitté Lapérouse, et son univers archaïque pour la lumière de la ville et l'esprit libertaire de la Californie des années 70.
Elle n'est plus la jeune fille contrainte de résister au silence taciturne d'un père, à la folie d'une mère et à la jalousie d'une soeur. Elle n'est plus non plus l'amante de Rafael Claramunt, un écrivain/mentor qu'elle voit de temps à autre et qui est toujours escorté par un homme au nom d'emprunt, Judy Garland. Encouragée par le succès de son premier roman, elle est déterminée à placer l'écriture au coeur de son existence, être une écrivaine et une femme libre. Quitte à composer avec la grâce des brigands.

A l'âge de seize ans, Maria Cristina Väätonen quitte le grand Nord et sa famille pour étudier à Los Angeles. Là-bas elle va rencontrer son mentor, qui sera aussi son premier amant... elle y écrira son premier roman et tentara de fuir un passé qui a laissé de nombreuses empreintes.
Il s'agit là d'un roman sur la fuite en avant, celle qui nous permet de nous affranchir d'un passé plus ou moins lourd à porter et de nous recontruire pour affronter l'avenir de manière plus sereine. Il s'agit aussi d'un roman sur les liens du sang qui peuvent soit peser sur nos vies soit nous pousser vers l'avant.

Une très belle écriture m'a portée tout au long de ce récit et petit à petit j'ai été embarquée dans cette histoire qui débute au présent pour ensuite plonger dans le passé de Maria Cristina jusqu'à la rencontre avec son neveu.

Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire 2013.



lundi, septembre 23, 2013

Kinderzimmer - Valentine Goby


Quatrième de couverture:
Je vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise. D’accord ?
– Je ne sais pas.
– Si tu dis oui c’est notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas.Mila se retourne :– Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que tu veux ?– La même chose que toi. Une raison de vivre.”
En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires individuelles.

Nous voilà plongés dans un sujet maintes fois exploité dans la littérature, à savoir la 2e guerre mondiale et la déportation. Et pourtant, non seulement j'ai été embarquée, mais j'ai été littéralement prise aux tripes par l'histoire de Mila, déportée au camp de travail de Ravensbrück.
Valentine Goby nous raconte l'histoire du point de vue d'une jeune femme, qui tente de survivre en milieu surpeuplé et qui essaie de cacher la vie qu'elle porte en elle. Car elle ignore ce qui adviendra de son bébé si les Allemands l'apprennent, s'ils savent qu'il grandit dans le creux de son ventre... il faudra donc l'occulter, le cacher et faire face aux adversités sans fléchir... poux, rats, famine, maladie, cadavres, il faut rester debout et trouver une raison de vivre pour repousser la mort qui guette. Et tout cela va être possible grâce à la solidarité féminine qui se mettra en place, au-delà des nationalités, des langues ou des races; l'espoir que la solidarité va générer va prouver que la vie peut-être plus forte que tout.

C'est un livre dur qui a suscité énormément d'émotion... c'est un livre dont on ne ressort pas indemne... De quoi faire réaliser qu'en tant que femme on a de la chance d'être nées ici et aujourd'hui...

Extrait:
Elle y est seule, libre, sans comptes à rendre, on peut bien prendre sa gamelle, voler sa robe, la battre au sang, l'épuiser au travail, on peut la tuer d'une balle dans la nuque ou l'asphyxier au gaz dans un camp annexe, cet espace lui appartient sans partage jusqu'à l'accouchement, elle les a eus les Boches; plus qu'un enfant c'est bien ça qu'elle possède: une zone inviolable, malgré eux. Et comme disait son père, qu'ils crèvent ces salauds.

Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire 2013.
 

jeudi, septembre 19, 2013

Une soif d'amour - Yukio Mishima


Quatrième de couverture:
La jeune veuve Etsuko est amoureuse d'un domestique de la maison de son beau-père Yakichi, chez qui elle vit. Ses beaux-frères, belles-sœurs et leurs enfants vivent sous le toit de l'ancêtre, qui est devenu l'amant d'Etsuko. Une nuit, Etsuko donne rendrez-vous au garçon qu'elle désire. Comprenant enfin ce qu'elle veut, il se jette sur elle. Elle perd connaissance. Quand elle revient à elle, il s'enfuit. Elle le poursuit, le rattrape, le frappe d'un coup de houe et le tue - Yakichi était là. Roman d'une grande force sournoise, obscure et nerveuse, cette œuvre est une peinture d'une passion bridée par un milieu, mais qui finit par tout consumer.

Ce livre décrit à merveille une femme perdue, Etsuko, qui après la perte de son mari s'installe chez son beau-père et devient sa maîtresse. Elle cotoîe tous les jours ses beaux-frères et belles-soeurs qui  habitent dans la même maison; ils voient cette relation de manière critique et ne comprennent pas le regain de vigueur émanant de leur beau-père. Derrière une apparente distance, Etsuko subit cette relation avec son beau-père et se prend à rêver de Saburo, le jeune domestique de la maison, qui va éveiller en elle une passion démesurée... peut-être est-ce le seul moyen pour elle d'échapper à sa propre réalité. Etsuko va apprendre que Saburo a une relation avec Miyu, la jeune domestique de la maison, et cela va déchaîner en elle une jalousie pathologique et engendrer une souffrance sans bornes qui l'amènera à commettre l'irréparable.

Usant de beaucoup de poésie, Yukio Mishima nous livre ici un portrait de la nature humaine que la moindre étincelle peut faire basculer dans la folie. Une belle découverte et de nombreuses pages cornées pour retrouver les passages que j'aurai encore envie de relire.

Extrait:
Il est grand temps qu'il vienne, ce matin, ce pur matin. Ce matin-là n'appartiendrait à personne, ne répondrait à la prière de personne. Je rêve d'un moment où, sans que je l'aie demandé, mes actes trahissent complètement cette partie de moi-même qui ne demande rien. Mes menus actes, mes actes imperceptibles...
" Il me faut porter un manteau plus lourd que les autres, pensa-t-elle, parce qu'il se trouve que mon âme est née au pays des neiges et y vit encore. Pour moi, la difficulté de vivre n'est que l'armure qui me protège."

Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge Ecrivains Japonais 2013 proposé par Adalana.



mardi, septembre 10, 2013

Monde sans oiseaux - Karin Serres


Quatrième de couverture:
« Petite Boîte d’Os » est la fille du pasteur d’une communauté vivant sur les bords d’un lac nordique. Elle grandit dans les senteurs d’algues et d’herbe séchée, et devient une adolescente romantique aux côtés de son amie Blanche. Elle découvre l’amour avec le vieux Joseph, revenu au pays après le « Déluge », enveloppé d’une légende troublante qui le fait passer pour cannibale. Dans ce monde à la beauté trompeuse, se profile le spectre d’un passé enfui où vivaient des oiseaux, une espèce aujourd’hui disparue.
Le lac, d’apparence si paisible, est le domaine où nagent les cochons fluorescents, et au fond duquel repose une forêt de cercueils, dernière demeure des habitants du village. Une histoire d’amour fou aussi poignante qu’envoûtante, un roman écrit comme un conte, terriblement actuel, qui voit la fin d’un monde, puisque l’eau monte inexorablement et que la mort rôde autour du lac…

Grâce à ce livre on embarque au coeur d'une histoire fantastique qui décrit un monde chimérique, un monde où les oiseaux n'existent plus, où les cochons sont fluorescents et amphibiens, où les habitants accueillent les nouveaux arrivants en sortant une maison du fond du lac où gisent aussi leurs morts; un monde pourtant peuplé de gens ordinaires à la destinée extraordinaire.
Tout au long du récit, on va suivre la vie de Petite Boîte d'Os, sa naissance, son enfance, son adolescence, sa vie de femme, son amour fou pour Joseph le cannibale au point de ne pas le voir vieillir, son amitié indéfectible pour Blanche... 
Ce récit étrange qui, sous ses airs de conte merveilleux, nous transporte dans une bulle hors du temps.

Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire 2013.
 


 
 

dimanche, septembre 08, 2013

Une certaine vérité - David Corbett


Quatrième de couverture:
1994. Jude McManus a 17 ans lorsque son père, un flic de Chicago, meurt dans des circonstances mystérieuses. Son cadavre est retrouvé dans les eaux d’un lac alors qu’il vient d’être accusé de corruption avec ses deux collègues, Bill Malvasio et Phil Stroke. Suicide pour échapper au scandale ? Noyade accidentelle ? L’affaire ne sera jamais résolue. Jude décide de fuir la ville et s’engage dans l’armée. 2004. République du Salvador. Dans un pays rongé par la pauvreté, la corruption et le crime, Jude McManus retrouve par hasard Bill Malvasio. Installé au Salvador pour échapper à la justice de son pays, celui-ci demande à Jude de retourner à Chicago pour retrouver Phil Stroke. Toujours hanté par la disparition et les péchés de son père, Jude y voit l’occasion de faire toute la vérité sur le passé. Mais, comme l’a justement écrit Oscar Wilde, la vérité est rarement pure et jamais simple, et Jude va vite se retrouver aux prises avec une affaire d’État.

Les éditions Sonatine nous livrent ici un roman assez atypique puisqu'il combine thriller politique, voire engagé, et le roman noir.
Jude n'a jamais vraiment digéré le fait que son père était un flic ripou et s'est suicidé dans des circonstances assez troubles. Dix ans après sa mort, il est installé au Salvador et est garde du corps au service d'un hydrologue qui doit remettre ses conclusions en faveur ou non de l'expansion d'une usine d'embouteillage. Un vieil ami et complice de son père, Bill Malvasio, toujours recherché par les autorités, prend contact avec lui et lui demande de lui rendre service en persuadant Phil Strock, le 3e complice, de s'engager dans une mission pour lui au Salvador mais sans dévoiler à ce dernier que  Bill qui est derrière tout ça. Toujours en quête de vérité par rapport à son père et désireux de prouver qu'il est meilleur que ce dernier, Jude accepte de convaincre Strock.

L'eau est évidemment au coeur de l'intrigue et soulève des questionnements sur la prédation des ressources essentielles à la vie. Mais ce livre parle aussi de moralité, du sens de la vie et des conséquences de nos actions tout au long de notre vie. Cette histoire, au final tragique, accentue l'incapacité de l'homme à échapper à sa propre nature.

Passionnant, haletant et source de nombreuses réflexions, ce livre a été pour moi un véritable coup de coeur.

Lu dans le cadre du Challenge 1% Rentré Littéraire 2013.
 


Rétroactivement lu dans le cadre du Challenge Thrillers et Polars.